Médecin-chercheur reconnu qui s’est consacré à l’étude de la physiopathologie du système cardiovasculaire fondamentale et appliquée à la clinique, le Professeur Bernard Lévy* a accepté suite à l’invitation amicale du Professeur Alain-Jacques Valleron de l’Académie des sciences, de nous prêter main forte dans notre combat pour la recherche sur le cœur des femmes.
Présent à nos côtés depuis 2015, il est conscient comme l’ensemble des cliniciens, épidémiologistes et chercheurs ayant rejoint le conseil scientifique « Danièle Hermann-cœurs des femmes » de la nécessité de sensibiliser davantage les femmes et leurs médecins aux maladies-cardiovasculaires. Parmi les grands combats à mener pour une meilleure prise en charge cardiovasculaire des femmes, il cite en premier lieu celui consistant à bien catégoriser et décrire les formes cliniques qui leurs sont spécifiques (douleurs d’angine de poitrine différentes par exemple, insuffisance cardiaque mieux tolérée). Il estime que davantage de postes aux urgences devraient être confiés à des médecins femmes qui seront plus attentives aux symptômes féminins et recommande d’introduire ces spécificités dans les études de médecine.
Eminent spécialiste du système cardiovasculaire, jouissant de l’estime de ses pairs, le Professeur Bernard Lévy se décrit comme un curieux insatiable. Une curiosité mâtinée de pragmatisme puisque ce passionné de physique et mathématiques décida à l’adolescence de contrarier son goût pour les théorèmes en choisissant des études de médecine dont il pressentait qu’elles lui ouvriraient le champ des possibles. En s’orientant vers la cardiologie et la mécanique vasculaire, il put ainsi réconcilier ce qui le passionnait : médecine, biologie et physique.
Le parcours scientifique du Professeur Lévy fut également jalonné de rencontres aussi déterminantes que passionnantes. De ces rencontres qui musclent les convictions et permettent d’évoluer sereinement dans l’écosystème complexe de la recherche scientifique. Parmi ses mentors, il cite le Professeur Jean-Paul Martineaud mais aussi le Professeur Yves Bouvrain qui le recruta en 1970 à l’Hôpital Lariboisière et dont l’influence fut essentielle puisqu’il l’encouragea à étudier la physiologie vasculaire. Pour renforcer sa rigueur expérimentale et morale, il tissa des liens professionnels forts avec le Professeur Amiel, néphrologue et physiopathologiste à l’Hôpital Bichat, mais aussi avec le Professeur René Gourgon, grande figure de la cardiologie française, qui lui apprirent que recherche fondamentale et clinique forment un noyau dur indissociable.
Un enseignement et des transmissions solides, qui lui permirent de tracer son chemin professionnel, de nouer des collaborations fructueuses, notamment avec les Professeurs Alain Tedgui et Jean-Baptiste Michel, fidèles alliés de notre Fondation, et de travailler d’arrache-pied sur des thématiques scientifiques innovantes parmi lesquelles : la rigidité artérielle, la compliance artérielle chez l’hypertendu, la circulation coronaire et l’influence de la contraction myocardique sur les versants veineux et artériels du réseau coronaire mais aussi sur la notion de remodelage artériel, mécanique et/ou pharmacologique. Il s’est également intéressé à la microcirculation, au rôle de l’endothélium dans la microcirculation et a lancé le thème de « l’angiogenèse » qui fut ensuite brillamment repris par ses successeurs.
Modeste quand on l’interroge sur son apport concernant les projets qu’il a mis en œuvre, il se définit comme un curieux davantage intéressé par les nouvelles questions à résoudre que par l’aridité de l’approfondissement. Aujourd’hui, il se dit particulièrement sensible à la prise en charge du patient hypertendu entourée d’une forme d’inertie thérapeutique et invite le corps médical à plus s’informer sur les avancées diagnostiques et thérapeutiques. Il croit aussi aux bienfaits d’une médecine personnalisée, ainsi qu’aux liens étroits que doivent nouer le médecin et son patient dans un contexte où les maladies cardio-vasculaires chroniques sont en forte augmentation en raison du vieillissement de la population.
Interrogé sur l’amélioration de l’enseignement des étudiants et sur la formation des médecins, il revient sur l’importance de l’apprentissage de la physiopathologie à différents moments des études de médecine. Un apprentissage au long cours qui élargit le connaissances et mène à l’humilité comme à la précision des questionnements. A ceux qui sont attirés par la recherche fondamentale, il recommande de garder un contact étroit avec la clinique de manière à se poser des questions en rapport avec les pathologies et les soins.
Pluridisciplinaire, rigoureux et modeste, le Professeur Lévy est un médecin-chercheur étonnant aux goûts extrêmement variés puisqu’il nous confie aimer avec autant de passion le classicisme lumineux de la peinture flamande du XVIème siècle que les riffs mélancoliques ou électriques de Pink Floyd et des Beatles.
Infiniment scrupuleux quant à ses argumentations, nous ne sommes pas étonnés quand il nous confie son admiration pour la phrase du philosophe-romancier Albert Camus : « Mal nommer les choses ajoute aux malheurs du monde ». Une très belle phrase qui trouve encore toute sa résonance dans la société du présent.
Bernard Lévy
* Le Professeur Bernard Lévy est professeur émérite de physiologie à l'Université Paris 7. Il a dirigé le Centre de recherche cardiovasculaire de l'Hôpital Lariboisière-Inserm u689, à Paris. En 2009, il a également pris la Direction scientifique de l’Institut des vaisseaux pour y poursuivre des recherches portant sur thérapie cellulaire pro-angiogénique et les aspects vasculaires de la maladie d’Alzheimer.