Directrice de recherche de première classe à l’Inserm, médecin interne et hépato-gastroentérologue, Marie-Christine Boutron-Ruault* est la lauréate 2020 de la bourse de recherche « Danièle Hermann-cœurs de femmes » décernée par le jury de la Fondation Recherche Cardio-Vasculaire présidé par Madame Dominique Costagliola. Le financement de la bourse (à hauteur de 30 000 euros) est assuré par notre partenaire ProActiv du Groupe Upfield. Son projet de recherche intitulé « risque d’accident vasculaire cérébral chez la femme et traitement hormonal de la ménopause, modulation par le type de traitement et la voie d’administration » a pour objectif, grâce à l’inclusion de 100 000 femmes françaises dans une cohorte de grande taille (cohorte E3N), de mieux connaître les liens éventuels entre prise de traitement hormonal de la ménopause et risque d’accident vasculaire cérébral dans un but de prévention.
Chercheuse et clinicienne passionnée poursuivant sa consultation à l’Institut Mutualiste Montsouris où elle s’occupe de patients avant et après chirurgie bariatrique pour obésité morbide, Marie Christine Boutron-Ruault est une scientifique d’expérience maitrisant la pratique clinique comme l’impact de l’alimentation sur la santé cardio-vasculaire des femmes ou encore les courbes de l’épidémiologie nutritionnelle.
Ce parcours à la croisée des chemins, elle l’a fait sien avec humilité et conviction grâce à des collaborations fortes qui l’ont confortée dans ses choix. C’est à ses premiers mentors, les professeurs Jean Faivre, professeur de gastroentérologie féru d’épidémiologie, et François Martin, interniste et chercheur en immunologie, qu’elle doit son orientation vers l’épidémiologie, la recherche, et une carrière à l’Inserm. Cette longue carrière, car elle est médecin depuis 41 ans, chercheur Inserm depuis 32 ans, elle l’évoque encore aujourd’hui avec un enthousiasme communicatif. Un enthousiasme qui fut alimenté par la richesse des rencontres ayant jalonné sa vie professionnelle.
La cause du cœur des femmes, elle s’y est intéressée dès 2005 à une époque où les spécificités des maladies cardio-vasculaires des femmes étaient passées sous silence. A nouveau, ce sont des rencontres qui l’ont convaincue de se lancer dans ce défi scientifique. Celle avec l’équipe de Françoise Clavel-Chapelon à l’initiative de la cohorte E3N, une grande cohorte généraliste de femmes où elle a développé des projets d’épidémiologie nutritionnelle. Puis celle avec le Professeur Claire Mounier-Vehier avec laquelle elle a initié un partenariat pour développer la recherche cardiovasculaire au sein de cette cohorte de femmes.
Objectif : y étudier les spécificités du « cœur des femmes » pour identifier les facteurs de risque communs aux hommes mais pouvant avoir un impact différent, et ceux spécifiques aux femmes comme les aspects hormonaux et reproductifs.
Si le cœur des femmes lui tient à cœur, c’est aussi parce qu’elle est une femme. Une femme-médecin soucieuse de soigner et consciente que les maladies cardio-vasculaires féminines nécessitent une prise en charge spécifique. Une prise en charge incluant une vision plus holistique, plus globale, de la santé et non purement médicamenteuse. « Il me semble essentiel qu’on tienne compte des aspects spécifiques à la femme, tant sur le plan des différences et difficultés diagnostiques, que des expositions au cours de la vie et de l’impact des traitements » rajoute-t-elle.
Il faut dire que Marie-Christine Boutron-Ruault est également une spécialiste reconnue des liens entre nutrition et santé cardio-vasculaire et une adepte de la phrase d’Hippocrate « Que ton aliment soit ta seule médecine » même si malheureusement « ça n’est pas toujours suffisant lorsqu’on est exposé à certains risques génétiques ou liés à son environnement ».
Experte en nutrition, elle considère que bien se nourrir aide à maintenir son cœur en forme et regrette que l’alimentation ait été trop longtemps sous-estimée et considérée à tort de peu d’intérêt. « Beaucoup de traditions de bon sens se sont malheureusement perdues avec notre ère du toujours plus vite et plus pratique, on y revient avec une forme d’écologie de la vie. Attention cependant aux déviances orthorexiques qui rassurent en émettant des règles très restrictives. Les dimensions plaisir, familiales et sociales restent très importantes à maintenir ».
Cette notion d’écologie de la vie force l’adhésion tant on sait combien l’obésité est un véritable fléau pour la santé des femmes. Pour lutter contre les maladies cardio-vasculaires, elle recommande aux femmes « l’absence ou l’arrêt du tabac, le maintien d’un poids « normal » surtout après la ménopause, une alimentation de qualité évitant les aliments ultra-transformés, et tenant compte des recommandations nutritionnelles, le maintien d’une activité physique, peu ou pas de boissons alcoolisées, mais aussi un équilibre psychologique, le cœur des femmes étant particulièrement sensible au stress ». Des conseils simples et avisés qui pourront aider les femmes, notamment à partir de la cinquantaine, à prendre soin de leur cœur et à stabiliser leur taux de LDL cholestérol.
Parce que la curiosité est son moteur, Marie-Christine Boutron-Ruault s’est intéressée aux bénéfices d’une alimentation végétale sur la santé cardio-vasculaire même si elle fait le distinguo entre bonne et mauvaise alimentation végétale. « Une bonne alimentation végétale repose sur des fruits, légumes, légumineuses, fruits à coque, produits céréaliers complets, et matières grasses végétales, sans oublier les huiles de bonne qualité. Cette alimentation est riche en antioxydants et fibres à la fois solubles et insolubles, permettant une santé optimale. Malheureusement certains croient que supprimer les produits animaux suffit pour être en bonne santé alors qu’en consommant surtout des produits céréaliers raffinés et des sucreries, l’effet sur leur santé est catastrophique. Le régime dit méditerranéen est un bon exemple d’alimentation bénéfique pour la santé cardiovasculaire et la santé en général. » précise-t-elle.
A celles et ceux qui aimeraient se lancer dans une carrière de médecin-chercheur, elle recommande humilité, honnêteté, ténacité et rigueur mais aussi un goût prononcé pour la confrontation des idées. Sans oublier, l’indispensable zeste de créativité qui aidera le futur chercheur à sortir des sentiers battus.
Consciente que la recherche scientifique est avant tout un travail d’équipe, Marie-Christine Boutron-Ruault espère que cette bourse « cœur de femmes » permettra à Connor McDonald, son post-doctorant depuis près de deux ans, de poursuivre leurs recherches sur le cœur des femmes et aussi de briguer un poste à l’Inserm. On comprend à demi-mots que si elle se réjouit tant de cette bourse, c’est parce qu’elle peut la partager avec ce chercheur compétent.
Interrogée sur son état d’esprit actuel, elle nous confie « être heureuse de faire un métier qu’elle n’a jamais cessé d’aimer et se dit impatiente de trouver toujours plus de solutions pour améliorer la santé de ses patients et de son entourage ». Quant à son rêve de bonheur, il est beau tout simplement, puisque c’est l’amour. Pas de doute, Marie-Christine Boutron-Ruault est une femme de cœur.
—————————————————
Marie-Christine Boutron-Ruault
* Marie-Christine Boutron-Ruault est Directrice de recherche de première classe à l’Inserm, ancienne responsable de l’équipe Générations et Santé du CESP, Inserm U 1018. Elle est aussi interniste et hépato-gastroentérologue, ancien interne et chef de clinique, épidémiologiste, docteur en nutrition, HDR en épidémiologie, vice-présidente de la commission Inserm CSS6 et vice-présidente du comité d’experts spécialisés en nutrition humaine à l’ANSES.