Effets cardio-vasculaires à long-terme de la pré-éclampsie : la recherche avance

En juin 2016, la Fondation Recherche Cardio-Vasculaire-Institut de France remettait au Docteur Daniel Vaiman, Directeur de recherche Inserm, au Palais de l’Institut de France la première bourse de recherche d’un montant de 50 000 euros sur les maladies cardio-vasculaires féminines. 

Cette première bourse du « Programme de Recherche Danièle Hermann-Cœurs de femmes » était destinée à ses travaux de recherche fondamentale sur la pré-éclampsie, une pathologie grave de la grossesse qui touche une femme sur 20 et multiplie par 4 à 8 le risque de maladies cardio-vasculaires des femmes.

Plus de 5 ans après l’attribution de la bourse de recherche, le Docteur Daniel Vaiman et son équipe ont obtenu des résultats significatifs concernant les effets secondaires à long-terme de la pré-éclampsie et l’exploration d’une nouvelle voie thérapeutique.

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« Effets cardiovasculaires à long-terme de la pré-éclampsie. De la caractérisation à la thérapeutique »

Résumé des avancées & Résultats à 5 ans

La pré-éclampsie est une maladie de la grossesse majeure qui entre dans la catégorie des pathologies hypertensives de la grossesse, affectant jusqu’à 15% des grossesses humaines. Caractérisée par une hypertension gestationnelle et une protéinurie*, la pré-éclampsie est très dangereuse, voire létale pour la mère (70 000 morts par ans dans le monde) et pour le fœtus, que l’on doit extraire précocement pour préserver la mère, ce qui fait de la pré-éclampsie une cause majeure de prématurité iatrogène* (cause d’environ 1.5 millions de morts fœtales par an dans le monde).

Depuis une vingtaine d’années, on s’interroge sur les effets à long terme de cette pathologie sur le système cardiovasculaire maternel et sur le cœur, en particulier. L’étude de ces conséquences dans l’espèce humaine est compliquée pour d’évidentes raisons éthiques. De plus une des limites de l’étude sur l’humain dans ce cas est que l’on ne peut distinguer clairement si l’origine avérée des pathologies post-pré-éclampsie est en fait directement liée à la maladie, ou si une prédisposition antérieure de la mère est en cause.

Dans le cadre du projet « Cœur des femmes » financé par la Fondation Recherche Cardio-Vasculaire, Daniel Vaiman et son équipe ont utilisé un modèle murin de pré-éclampsie pour étudier cette question. Les souris de laboratoire ont une espérance de vie légèrement supérieure à 2 ans. Elles peuvent être gestantes vers l’âge de 2 mois. Ils ont réalisé des gestations normales (contrôles) et des gestations pré-éclamptiques dans leur modèle (où la prééclampsie est induite chez les femelles par croisement avec un mâle transgénique pour le gène STOX1).

Les souris des deux groupes ont ensuite été maintenues en élevage pendant 6 mois (l’équivalent de 15 ans chez la femme), puis des paramètres cardiaques ont été analysés par échographie, par analyse histologique et par un test à l’effort. En outre, ils ont analysé systématiquement les cellules endothéliales (les cellules qui tapissent les vaisseaux sanguins) pour l’expression des gènes. Finalement, ils ont analysé des marqueurs plasmatiques des souris.

Quels résultats ?

Les résultats sont sans appel.

  • Le cœur des souris ayant eu une pré-éclampsie présente des marques de fibrose et demeure hypertrophique. Plus de 1000 gènes sont dérégulés dans les cellules endothéliales et 165 dans le cœur des souris du groupe pathologique, souvent associés à des mécanismes inflammatoires et au stress cellulaire.
  • La réponse cardiaque au test à l’effort est altérée dans les cœurs des animaux du groupe pathologique. 8 protéines circulantes dans le sérum des souris âgées marquent la pré-éclampsie passée 6 mois plus tôt.

Ce travail démontre donc un effet de long terme lié uniquement à la pré-éclampsie, dans la mesure où les souris des deux groupes sont génétiquement identiques. Ces travaux ont été publiés en 2019[1]

Contrecarrer les effets délétères de la maladie pendant la gestation est donc nécessaire pour préserver la santé maternelle dans le long terme.

Par la suite, Daniel Vaiman et son équipe ont exploré une nouvelle voie thérapeutique, visant à combattre les effets d’un acteur nocif majeur dans la prééclampsie, le stress « nitrosatif » dans le placenta. Une molécule appelée BH4 (Tétrahydro-bioptérine) semblait une possibilité adéquate. Ils l’ont d’abord testée dans des modèles cellulaires, puis dans deux modèles animaux, la souris et le rat.

Quels résultats ?

  • Le traitement empêche la pré-éclampsie d’apparaître, ainsi que l’hypertrophie cardiaque induite par l’hypertension artérielle, tout en normalisant la fonction cardiaque et vasculaire.
    Cette approche prometteuse a été publiée en 2022[2].

Et la suite des recherches ?

Daniel Vaiman et son équipe vont maintenant explorer les propriétés protectrices du BH4 dans le long terme.

La bourse du « Programme de recherche Danièle Hermann-Coeurs de femmes » a été déterminante pour pouvoir entreprendre ces travaux de recherche qui ouvrent peut-être une nouvelle voie thérapeutique.

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Publications : 

[1] Miralles F, Collinot H, Boumerdassi Y, Ducat A, Duche A, Renault G, Marchiol C, Lagoutte I, Bertholle C, Andrieu M, Jacques S, Mehats C, Vaiman D: Long-term cardiovascular disorders in the STOX1 mouse model of preeclampsia. Sci Rep 2019, 9(1):11918.

[2] Chatre L, Ducat A, Spradley FT, Palei AC, Chereau C, Couderc B, Thomas KC, Wilson AR, Amaral LM, Gaillard I, Mehats C, Lagoutte I, Jacques S, Miralles F, Batteux F, Granger JP, Ricchetti M, Vaiman D: Increased NOS coupling by the metabolite tetrahydrobiopterin (BH4) reduces preeclampsia/IUGR consequences. Redox Biol 2022, 55:102406.

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Lexique : 

*La protéinurie correspond à la présence de protéines dans les urines, qui n’en contiennent habituellement que très peu, généralement entre 50 et 130 mg par 24 heures. L’albumine, la protéine la plus abondante dans le sang, fait partie de ces protéines qui peuvent se retrouver dans les urines dans des quantités alors supérieures à la normale. Elle peut favoriser l’apparition de diverses complications, notamment chez la femme enceinte.

*Iatrogène se dit d’un trouble, d’une maladie provoqués par un acte médical ou par les médicaments, même en l’absence d’erreur du médecin.

*Le stress nitrosatif provoque la formation de radicaux tels que l’oxyde nitrique (NO), le peroxynitrite et la notrotyrosine. Le NO est créé à partir de l’arginine par l’enzyme NO-synthétase. La citrulline est un sous-produit issu de cette réaction et elle peut être dosée dans le sang et l’urine. Le rôle le plus connu de l’oxyde nitrique (NO) est la régulation de la pression artérielle (vasodilatateur).