Catherine Llorens-Cortes : une chercheuse de coeur

Directrice de Recherche Classe Exceptionnelle INSERM, Directrice du laboratoire INSERM intitulé « Neuropeptides Centraux et Régulations Hydrique et Cardiovasculaire », Présidente du Conseil Scientifique de la Fondation Recherche Cardio-Vasculaire depuis 2017, 1ère femme lauréate du Prix Danièle Hermann en 2012, le Docteur Catherine Llorens-Cortes est non seulement un maillon fort de notre Fondation mais aussi une chercheuse férue d’innovation reconnue par ses pairs. Une chercheuse de cœur avec les pieds sur terre et la tête dans les étoiles.

Souriante, féminine, spontanée, très attachée à la cause du cœur des femmes pour laquelle elle se bat à nos côtés, Catherine Llorens-Cortes est une passionnée. Une passion pour son métier qu’elle exerce depuis 1976 et dont elle connait parfaitement les tours et détours. Il lui en fallu du courage pour faire le choix de la recherche scientifique à une époque où très peu de femmes osaient embrasser cette carrière. Et c’est fréquemment qu’au cours de son parcours elle fut l’unique femme dans les commissions scientifiques spécialisées pour évaluer les directeurs de recherche postulant au plus haut niveau. Elle se félicite de la reconnaissance actuelle accordée aux femmes chercheuses et se dit fière que les deux prix Nobel de chimie 2020 soient attribués à deux femmes, dont une française.

Détermination, pragmatisme, persévérance, sont les trois qualités dont Catherine Llorens-Cortes a fait preuve durant sa carrière scientifique. Une science à laquelle elle croit et à laquelle elle a dédié sa vie professionnelle tout en préservant du temps pour son époux, ses enfants et aujourd’hui ses petits-enfants.

Comment résumer une carrière aussi riche jalonnée de difficultés comme de grandes réussites ?

Au commencement, il y eut les neurosciences et plus spécifiquement les enképhalines  auxquelles Catherine Llorens-Cortes consacra 15 années de recherche. Des recherches en collaboration avec le laboratoire du Professeur Bernard Roques qui ont permis la mise au point d’une série d’inhibiteurs puissants, présentant des propriétés opioïdes. Actuellement l’un d’entre eux, le Tiorfan®, est toujours prescrit comme anti-diarrhéique particulièrement utile pour les enfants et les personnes âgées. Grâce à ces travaux, elle a obtenu en 1981 le prix de la Fondation de la Recherche Médicale. Sa carrière de chercheuse prenait son envol.

C’est en 1991 que Catherine Llorens-Cortes s’est orientée vers la recherche cardio-vasculaire. Une évolution qualitative puisqu’elle a intégré le laboratoire du Professeur Pierre Corvol au Collège de France. En 1993, elle a mis en place dans le laboratoire du Professeur Corvol, son propre groupe de recherche, constitué de huit personnes. En 2004, elle a été promue Directeur de recherche 1ère classe et a obtenu la Direction d’une unité INSERM U691 au Collège de France afin d’étudier le rôle des neuropeptides centraux dans les régulations hydrique et cardiovasculaire.

Consciente que les  maladies cardio-vasculaires sont l’une des premières causes de mortalité dans le monde, plus particulièrement chez les femmes, Catherine Llorens-Cortes a toujours voulu être utile à la Santé Publique et a privilégié un objectif : identifier de nouvelles cibles  thérapeutiques. Un objectif qu’elle a atteint en organisant un réseau autour de ce thème réunissant chimistes, modélisateurs moléculaires et cliniciens, en particulier le Professeur Michel Azizi, mais aussi des industriels. Ces travaux ont permis de découvrir et de breveter plusieurs molécules d’intérêt thérapeutique dans le domaine cardio-vasculaire et d’initier une recherche innovante du laboratoire jusqu’au stade clinique. 

Mais sa plus belle réussite scientifique est sans doute la dernière : la découverte aux côtés de sa fidèle équipe d’une nouvelle cible thérapeutique l’aminopeptidase A cérébrale responsable de la formation de l’angiotensine III  qui exerce dans le cerveau un contrôle sur la pression artérielle et la fonction cardiaque. La collaboration avec les chimistes du laboratoire du Professeur Bernard Roques, plus particulièrement avec la Professeure M-C Fournie Zaluski a permis le développement d’un inhibiteur spécifique et sélectif de cette enzyme, le RB150 renommé firibastat par l’Organisation Mondiale de la Santé. L’équipe de Catherine Llorens-Cortes a ensuite montré que le firibastat administré par voie orale, pénétrait dans le cerveau, inhibait l’activité de l’aminopeptidase A, bloquait la formation de l’angiotensine III et normalisait la pression artérielle chez l’animal hypertendu.

Les études cliniques Phase II soutenues par l’Agence Nationale de la Recherche et la Société Quantum Genomics ont montré que le firibastat diminuait de façon significative la pression artérielle systolique et diastolique, y compris chez les patients Africain-américains qui ont le plus souvent une hypertension résistante aux traitements disponibles. Des résultats très encourageants qui ont permis le démarrage d’un essai clinique de Phase III avec le firibastat dans le traitement de l’hypertension résistante ou difficile à traiter. Finalement, son équipe a mis en évidence au cours d’études précliniques chez l’animal, une nouvelle application du firibastat dans le traitement de l’insuffisance cardiaque après infarctus du myocarde.

Le firibastat pourrait donc constituer un médicament d’avenir non seulement pour le traitement de l’hypertension résistante mais aussi pour l’insuffisance cardiaque. On sait pouvoir compter sur l’enthousiasme de Catherine Llorens-Cortes pour venir à bout de cette aventure scientifique.

A la question qu’est-ce qui définit le mieux un chercheur Catherine Llorens-Cortes répond sans hésiter « ne jamais se décourager et aller jusqu’au bout de ses idées ». Un engagement sans réserve qui sied à cette passionnée admirative de Marie Curie, de Simone Veil mais aussi de Danièle Hermann notre regrettée Présidente, avec laquelle elle avait tissé des liens d’amitié. Des femmes sensibles et fortes qui ne baissent pas les bras face à l’adversité.

Interrogée sur son rêve de bonheur, Catherine Llorens-Cortes demeure simple puisqu’elle ne désire rien de plus « qu’être au milieu de son équipe, dans un laboratoire situé à proximité de sa famille ». « Au bord de la mer », rajoute-t-elle sans doute parce que face à la mer l’horizon est immense et propice aux nouvelles idées comme à l’élaboration d’hypothèses dont il lui faudra démontrer la justesse.

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Catherine Llorens-Cortes et son équipe. De gauche à droite : Yannick Marc, Romain Gerbier, Nadia de Mota, Pierre Couvineau, Annette Hus-Citharel, Rodrigo Alvear, Catherine Llorens-Cortes, Gao Ji, Emilie Ceraudo, Bernard Maigret. Au premier plan : Hani Aboukhamis, Xavier Iturrioz, Vincent Leroux.

 

Seconde photo Catherine Llorens-Cortes et son équipe. De gauche à droite : Rodrigo Alvear, Annette Hus-Citharel, Yannick Marc, Catherine Llorens-Cortes, Réda Hmazzou, Xavier Iturrioz, Solène Boitard, Pierre Emmanuel Girault-Sotias. Au premier plan : Nadia de Mota, Cynthia Bisoo.