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Denis Vivien

« Le cerveau » de l’accident vasculaire cérébral

Professeur et Praticien Hospitalier en Biologie Cellulaire au CHU de Caen Normandie, Directeur de l’Institut Blood and Brain @ Caen-Normandie, Directeur de recherche Inserm « Physiopathologie et Imagerie des Troubles Neurologiques » où il encadre une importante équipe de 145 personnes, Denis Vivien est le lauréat 2023 du Prix Danièle Hermann décerné à l’unanimité par le jury de la Fondation Recherche Cardio-Vasculaire-Institut de France.

Son projet de recherche récompensé « Diagnostic et traitement des accidents vasculaires cérébraux (AVC) par ciblage des micro-THROMBI » a pour objectif  de visualiser les caillots sanguins intracérébraux par des outils d’imagerie in vivo (IRM moléculaire) et de cibler des nouvelles thérapies au lieu même où se forment ces caillots sanguins à l’origine des AVC ischémiques. Un projet de recherche ambitieux qui permettra d’assurer une meilleure oxygénation du cerveau en souffrance et de limiter les séquelles consécutives à un AVC.

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Qui est Denis Vivien ?

À la croisée de la biologie cellulaire et de l’innovation médicale, Denis Vivien explore les méandres du cerveau pour mieux le comprendre et le soigner.

Son parcours scientifique pourrait bien être le script d’une saga à succès. Après une formation en biologie marine à Rennes, il a décroché une thèse de biologie moléculaire à Paris XI (Orsay) en 1992. Mais c’est à New York, pendant son post-doctorat en 1994-1995, qu’il a amorcé sa plongée dans les neurosciences. Là-bas, il étudie la signalisation du TGF-B et le contrôle de la prolifération cellulaire. Il devient professeur de neurosciences en 2001, après avoir été nommé maitre de conférences en biologie cellulaire en 1995. Ses travaux initialement fondamentaux créent alors de de plus en plus de passerelles avec la clinique et plus particulièrement les AVC. En 2016, il est nommé professeur et praticien hospitalier au CHU de Caen.

Doté d’une impressionnante vitalité, il n’a jamais cessé de repousser les frontières de la connaissance pour comprendre les pathologies neuro-vasculaires.

Parmi ses sujets de prédilection ? L’activateur tissulaire du plasminogène, ou tPA, une protéase cruciale dans le contrôle de la fibrinolyse pour laquelle il est devenu le traitement de référence des thromboses et plus particulièrement des accidents vasculaires cérébraux ischémiques. Au cœur de ses recherches, une découverte extraordinaire : le tPA joue un rôle inattendu dans la signalisation des récepteurs glutamatergiques N-méthyl-D-aspartate (NMDA).  Alors qu’il était autrefois connu comme un acteur majeur dans la fibrinolyse, le tPA se révèle être une clé de voûte dans la signalisation neuronale. Dans un contexte de stress ischémique, il peut causer une mort neuronale accrue (excitotoxicité).

Vous l’aurez compris, Denis Vivien est un chercheur qui ne s’arrête jamais. Plus récemment, il a mis en lumière les récepteurs NMDA exprimés par les cellules endothéliales, associées à des protéines à jonctions serrées. En activant ces récepteurs, le tPA favorise la transmigration des lymphocytes et des macrophages à travers la barrière hémato-encéphalique, alimentant l’inflammation en cas de stress ischémique cérébral. La connaissance de ces mécanismes complexes l’a conduit à générer un anticorps monoclonal, le Glunomab, capable de bloquer sélectivement les effets délétères du tPA sans entraver la fibrinolyse.

Cet anticorps est en phase de développement clinique, portant l’espoir de révolutionner la prise en charge des AVC.

La recherche, une aventure collective au service des patients

Pour Denis Vivien, la recherche ne se fait pas en solitaire. Il sait que la clé du succès réside dans la collaboration et les rencontres. Son mentor, le Dr. Joan Massagué, à New York, a été une source d’inspiration cruciale en l’invitant à multiplier les expériences. De même, le Dr. Eric MacKenzie, qui l’a soutenu lors d’une période délicate de sa carrière, a été un moteur pour sa passion des neurosciences. Ce goût pour le travail d’équipe, il ne cesse de le transmettre à ses nombreux collaborateurs en essayant de communiquer son enthousiasme et en montrant l’exemple sur le travail fourni. Il s’est fixé une règle d’or toujours dire oui, ou presque, à celles et ceux qui formulent une hypothèse et veulent la tester par des expériences appropriées. Je suis conscient que la force c’est l’équipe et pas les individualités, rajoute-t-il.

Très honoré d’être le lauréat 2023 du Prix Danièle Hermann, il nous confie percevoir cette récompense à la fois comme une reconnaissance de son travail mais aussi comme un encouragement à poursuivre le développement de projets innovants sur l’AVC.

Porté par la volonté d’améliorer ou de sauver des vies, Denis Vivien est très attaché à la vision d’une recherche au service des patients. La recherche doit se traduire en bénéfices concrets, en une médecine personnalisée qui s’adapte aux besoins de chaque patient. Et selon lui l’avenir de la recherche sur les AVC réside dans l’amélioration du diagnostic, la personnalisation de la prise en charge et une meilleure compréhension de la physiopathologie de la maladie. Il encourage une collaboration étroite entre les chercheurs précliniques et les cliniciens pour apporter de l’espoir aux patients, que ce soit en phase aiguë des AVC ou lors de la récupération à long terme.

Ce qui rend intéressant toute recherche, c’est l’énergie que l’on veut bien lui consacrer

A celles et ceux qui aimeraient se lancer dans une carrière de chercheur en neurosciences, il recommande d’allier des compétences multiples, puisque les AVC sont aux confins de la neurologie et des maladies vasculaires, impliquant également l’immunologie et l’hémostase, mais aussi d’être capables de dialoguer avec des chercheurs fondamentaux comme avec des cliniciens. Sans oublier la passion qui doit être au cœur de tout projet de recherche.

Questionné sur son état d’esprit actuel, Denis Vivien nous confie se sentir heureux, apaisé et toujours porté par l’envie de découvrir des choses inconnues des autres. Pour y parvenir, il sait pouvoir compter sur l’enthousiasme de ses collaborateurs. Admiratif de Spallanzani pour les sciences interdites, de Modigliani pour la reconnaissance tardive après avoir subi le mépris et la haine des autres et enfin de Bernard Tapie pour le nombre de vies qu’il a eues, Denis Vivien est un scientifique insatiable mais aussi un passionné de peinture et de voyages en famille dont le rêve secret serait de pouvoir décréter la paix.

Quant à sa devise favorite qu’il emprunte volontiers à Jacques Brel, «Je préfère les hommes qui donnent à ceux qui expliquent», elle dit bien ce qui l’anime au quotidien : chercher, trouver et guérir.


 

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