Ma vie non à écrire, à dire, rêver, imaginer. Ma vie à vivre …

Découvrez un nouvel extrait du manuscrit de Danièle Hermann « Les mots de Danièle ». Elle y évoque sa passion pour les mots et pour l’écrit mais surtout sa passion pour la vie. Une pulsion profonde et vivace grâce à laquelle elle surmontait la souffrance de sa maladie cardio-vasculaire.

« Il y a un vrai bonheur à écrire et je n’ai jamais cessé de remplir mes carnets de petits textes, d’impulsion d’écriture. Mais m’asseoir à une table, des heures, des jours, avec pour toute existence que la page blanche et ma pensée ne pouvait plus se concevoir.

Ma vie ne passait pas par là. Ma vie était chair, non abstraction. Ma vie était dehors non dedans, mouvement non immobilité, lumière, ciel, arbre…

Ma vie non à écrire, à dire, rêver, imaginer. Ma vie à vivre.

Comment s’intéresser à l’écriture quand on écrit déjà dans sa chair ? 

La douleur m’a tenu lieu d’écriture. La douleur était stylo, était le lieu de tous les écrits, de toutes les volontés, de tous les imaginaires. La douleur faisait éclater mon corps tout entier, faisait éclater ma pensée, éclater mon existence.

L’écriture n’avait rien à faire là. Elle imagine la vie, elle la raconte, elle l’écrit, elle se la remémore. Elle ne la vit pas.

L’écriture peut être une fuite. La douleur est toujours un face-à-face, un ici maintenant. Un présent accessible. Une tornade. L’écriture n’est pas un lieu réel à vivre. La douleur est à vivre, ne peut être rien d’autre qu’à vivre.

Est-ce que la douleur m’a tenu lieu d’écriture ? Mon corps était devenu le lieu de toutes les lectures et de tous les écrits dont j’aurais pu être l’auteur. Je me lisais passionnément.

Je n’ai jamais cessé de me lire passionnément.

Je suis un écrivain sans livre, sans écrit. Dont le texte s’est inscrit à l’intérieur de ma chair. Je n’ai jamais cessé d’écrire, de faire émerger, de faire jaillir les ressentis, les doutes, les peurs, les angoisses. Et les bonheurs aussi. 

Je n’ai jamais cessé d’écrire. Seulement le papier, le stylo se sont déplacés comme déportés. Et c’est avec ma chair et avec mon sang que j’ai écrit. Parce qu’il me fallait écrire, d’une façon ou d’une autre. Sur papier comme sur chair. Pour vivre, pour survivre, pour ne pas sombrer dans la folie, dans le suicide.

Dans l’abandon de moi-même. Dans l’inconnaissance, dans l’enfermement, la nuit noire, les méandres de l’immensité, de l’infinie immensité. Du vide. Pour ne pas sombrer. »

Danièle Hermann, copyright tous droits réservés.