La recherche pour le cœur des femmes
Projet de recherche de Sara Martinez de Lizarrondo sur le diagnostic de l’embolie pulmonaire chez la femme enceinte par imagerie a particules magnetiques.
Sara Martinez de Lizarrondo est biologiste, titulaire d’un doctorat européen de biochimie et chercheuse à l’INSERM (Caen) spécialisée dans le développement de l’immuno-IRM pour visualiser les cellules immunitaires de manière non-invasive. Elle est la lauréate 2024 de la bourse de recherche « Danièle Hermann-cœurs de femmes » dotée de 30 000 euros et décernée à l’unanimité par les membres du jury.
Détail du projet de recherche :
L’embolie pulmonaire (EP) est la troisième maladie cardiovasculaire la plus fréquente (après l’infarctus du myocarde et l’accident vasculaire cérébral) et elle représente, dans les pays industrialisés, une des principales causes de mortalité maternelle. L’EP correspond à l’obstruction d’une artère des poumons par un caillot sanguin, qui provient le plus souvent d’une veine des jambes et qui a migré jusqu’au poumon.
Le diagnostic repose sur l’utilisation de méthodes d’imagerie telles que l’angioscanner thoracique ou la scintigraphie pulmonaire qui permettent de visualiser l’EP. Malheureusement, ce sont des examens d’imagerie irradiants, qui comportent des risques pour les patients notamment chez la femme enceinte. En effet, l’angioscanner thoracique, qui est l’examen le plus utilisé, expose la poitrine des femmes à de fortes doses de radiation, augmentant ainsi le risque de cancer du sein. De plus, les rayons X atteignent également le fœtus et pourraient augmenter le risque de cancer à long terme.
L’objectif de ce projet est donc de développer une nouvelle méthode d’imagerie de l’embolie pulmonaire pour la femme enceinte, qui n’utiliserait pas de radiation ionisante. Pour cela, Sara Martinez de Lizarrondo et son équipe souhaitent utiliser des particules magnétiques capables de révéler l’EP grâce à une nouvelle technique d’imagerie appelée « imagerie à particules magnétiques ».
Cette technique très sensible pourrait permettre de détecter l’embolie pulmonaire grâce à une simple injection intraveineuse de quelques milligrammes de particules magnétiques et ainsi d’éviter l’irradiation de la poitrine et du fœtus chez la femme enceinte.
La parole à Sara Martinez de Lizarrondo
Pouvez-nous dire quelques mots sur les projets de recherche cardio-vasculaire dont vous êtes fière ?
Si je devais retenir trois moments marquants de ma carrière, je citerais d’abord notre découverte en 2017 de l’effet thrombolytique de la N-acétylcystéine, un composant des sirops contre la toux. Nous avons montré que cette molécule pouvait dissoudre les caillots sanguins responsables des AVC en détruisant les liaisons chimiques du facteur von Willebrand. Aujourd’hui, cette piste fait l’objet d’essais cliniques dans le monde entier. Ensuite, mon recrutement comme chargée de recherche à l’INSERM la même année a été un tournant décisif. J’étais arrivée au maximum d’années en contrat à durée déterminée, et décrocher ce poste m’a offert une stabilité essentielle pour poursuivre mes travaux.
Enfin, en 2022, notre laboratoire a mis au point une nouvelle génération d’agents de contraste biodégradables pour l’IRM moléculaire, résolvant un problème majeur de toxicité. Cette avancée ouvre la voie à l’utilisation de l’immuno-IRM chez l’homme, avec des perspectives prometteuses pour le diagnostic médical.
En quoi cette bourse sera-t-elle utile à vos recherches ?
Nous allons pouvoir développer un nouvel agent de contraste pour l’imagerie à particules magnétiques qui permettra de détecter les embolies pulmonaires. Nous allons le tester dans des modèles expérimentaux qui miment la pathologie humaine. Si cela fonctionne comme espéré, on espère ensuite pouvoir le développer pour l’homme, à moyen-long terme.
Quelles sont selon vous les grandes avancées à initier concernant la recherche scientifique (fondamentale et clinique) et la prise en charge du cœur des femmes ?
Il y a déjà eu une prise de conscience dans la communauté scientifique de l’importance de considérer le sexe et le genre dans la recherche biomédicale. Avant, il était fréquent que des traitements ne soient testés que chez des animaux mâles par exemple. Ce n’est quasiment plus le cas aujourd’hui et c’est une très bonne chose.
Plus généralement, le moyen le plus efficace de mettre la santé des femmes au cœur des préoccupations de la communauté scientifique, c’est probablement d’augmenter le nombre de chercheuses ! Et il en faudrait à toutes les échelles de la hiérarchie, aussi bien comme technicienne que comme directrice de laboratoire. Cela passe à la fois par une sensibilisation des jeunes filles à la science dès le plus jeune âge, et à la lutte contre les pratiques discriminatoires qui existent encore malheureusement dans certains milieux. C’est parfois très subtil, mais il est encore très fréquent que les femmes ne soient pas écoutées et considérées exactement de la même manière que les hommes dans les réunions, les jurys, les décisions importantes, etc.
Télécharger le dossier de presse de la cérémonie de remise des bourses de recherche