La recherche pour le cœur des femmes

Projet de recherche du Docteur Marie-Christine Boutron-Ruault sur le « risque d’accident vasculaire cérébral chez la femme sous traitement hormonal de la ménopause ».

Marie-Christine Boutron-Ruault est Directrice de recherche de première classe à l’Inserm, médecin interne et hépato-gastroentérologue. Elle est la lauréate 2020 de la bourse de recherche du programme « Danièle Hermann-coeurs de femmes ». La bourse qui lui est allouée est d’un montant de 30 000 euros et elle a été soutenue par notre partenaire ProActiv du groupe Upfield.

Détail du projet de recherche : 

Les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de décès chez la femme :

  • 49% des causes de décès en Europe

  • 30% des causes de décès en France

  • Plus que les hommes : sur les 147 000 décès par an en France, 54 % sont des femmes


Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont une des principales causes de décès et d’invalidité, en particulier chez les femmes.

La prise d’un traitement hormonal de la ménopause (THM) est suspectée de jouer un rôle dans le risque d’AVC sans que la relation soit très claire.

Notre étude basée sur près de 100 000 femmes (cohorte E3N) suivies depuis 1990 va permettre d’étudier les associations entre les différents types de traitements hormonaux de la ménopause et le risque d’AVC afin de mieux préciser quels types de traitement pourraient ou non constituer un risque en prenant en compte l’âge de début de la prise, la durée de la prise, le type de traitement (par voie orale ou transcutanée, œstrogènes seuls ou avec progestatif, type de progestatif, etc…), mais aussi les autres facteurs qui peuvent conditionner le risque (antécédents hormonaux et reproductifs, surpoids/obésité, hypertension, diabète, prise de médicaments etc…), et en nous intéressant au type d’AVC, ischémique ou hémorragique. Nous utiliserons des méthodes statistiques innovantes.

Ainsi cette étude de très grande taille sur des femmes françaises avec des traitements dont certains sont assez spécifiques à la France permettra de mieux connaître les liens éventuels entre prise de traitements hormonaux de la ménopause et risque d’AVC dans un but de prévention.


Boutron-Ruault

Photo : Michel Monsay

La parole à Marie-Christine Boutron-Ruault

Pouvez-nous dire quelques mots sur les temps forts de votre carrière, ainsi que sur vos projets de recherche dans le domaine cardio-vasculaire ?

J’ai eu la chance d’intégrer en 2005 l’équipe de Françoise Clavel-Chapelon qui avait monté une grande cohorte généraliste de femmes, la cohorte E3N. J’y ai développé des projets d’épidémiologie nutritionnelle. La rencontre avec le Pr. Claire Mounier-Vehier, alors présidente de la Fédération Française de Cardiologie, a été l’occasion de mettre en place un partenariat pour développer la recherche cardiovasculaire dans cette cohorte E3N, afin d’y étudier les spécificités du « cœur de femme », c’est-à-dire identifier les facteurs de risque communs aux hommes mais pouvant avoir un impact différents, et ceux spécifiques aux femmes comme les aspects hormonaux et reproductifs. L’objectif à terme est de construire un score de risque permettant d’affiner la prise en charge et la prévention chez la femme.

Vous êtes la lauréate 2020 de la bourse de recherche « Danièle Hermann cœurs de femmes », pouvez-vous nous dire quelques mots concernant votre ressenti suite à cette annonce ?

Mon objectif, étant proche de la fin de ma carrière, est de pérenniser ce programme cœur de femme dans notre équipe. J’ai ainsi pu recruter Conor MacDonald comme postdoctorant depuis près de deux ans. Il s’est révélé un chercheur de grande qualité, enthousiaste et très compétent, et c’est avec lui que nous avons sollicité cette bourse, pour lui permettre d’enrichir la base de données en validant les accidents vasculaires cérébraux pour compléter notre programme. J’espère qu’il maintiendra son désir de travailler dans l’équipe pour reprendre cette thématique et briguer un poste Inserm. C’est donc surtout pour lui que je me suis réjouie de cette bourse.

Comment allez-vous utiliser ces 30 000 euros ?

Grâce aux 30 000 euros de la bourse, nous allons ainsi pouvoir développer le programme axé sur les accidents vasculaires cérébraux, la complexité de cette pathologie rendant la validation avec des données médicales coûteuse mais essentielle pour des travaux de qualité.

Vous êtes une grande spécialiste de la nutrition. Quels conseils « nutritionnels » donneriez-vous à une femme qui a un taux de LDL cholestérol trop élevé ?

Les conseils globalement pour réduire l’hypercholestérolémie sont le contrôle du poids (éviter le surpoids et l’obésité, réduire l’adiposité abdominale), aidé par l’activité physique et la réduction de la sédentarité (temps passé devant des écrans), limiter les aliments riches à la fois en cholestérol et graisses saturées (aliments d’origine animale surtout certaines viandes), les aliments industriels contenant des graisses « trans », éviter les sucres ajoutés (desserts sucrés, confiserie, sodas) et les aliments industriels dits ultratransformés. Un régime appelé Porfolio a été proposé pour faire baisser plus spécifiquement le LDL cholestérol, il inclut des amandes, des fibres solubles, des protéines de soja et des stérols végétaux. Son efficacité est cependant modérée, faisant en moyenne baisser de 13 % le LDL cholestérol au bout d’un an.

On parle de plus en plus des pathologies cardio-vasculaires affectant les femmes, pouvez-vous nous dire pourquoi cette prise de conscience est si importante et pourquoi elle a été négligée pendant autant d’années ?

La méconnaissance pendant longtemps de certains facteurs spécifiques aux femmes, notamment reproductifs et hormonaux, avec une focalisation uniquement sur les facteurs communs aux hommes expliquent ce retard dans la prise en charge. Mais également l’existence fréquente de formes atypiques, de diagnostic difficile et souvent tardif.

Quelles sont les grandes avancées à initier concernant la recherche scientifique et la prise en charge du cœur des femmes ?

Il est essentiel de mieux comprendre l’atteinte des micro-vaisseaux, plus fréquente chez la femme, plus sournoise et plus difficile à traiter. Et de trouver des prises en charge et traitements spécifiques, médicamenteux mais aussi non-médicamenteux (activité physique spécifique, réduction du stress par les approches non médicamenteuses, approches nutritionnelles). Il y a encore beaucoup à faire !