La recherche pour le cœur des femmes

Projet de recherche du Docteur Antoine Ouvrard-Pascaud sur les conséquences de la ménopause en tant que facteur aggravant de l’insuffisance cardiaque

Antoine Ouvrard-Pascaud est le lauréat 2019 de la bourse de recherche du programme « Danièle Hermann-coeurs de femmes ». La bourse qui lui est allouée par la Fondation est d’un montant de 30 000 euros.

Détail du projet de recherche : 

Parce que les œstrogènes, hormones présentes à des taux plus élevés chez les femmes, confèrent une protection contre les atteintes artérielles, on a cru qu’elles couraient un moindre risque de maladies cardio-vasculaires que les hommes. On s’est trompé. Après la ménopause, la protection disparaît et plus la ménopause est précoce, plus le risque augmente.

Pour autant, la maladie cardiaque peut se déclarer chez des femmes non ménopausées, en particulier des patientes en ‘syndrome métabolique’, présentant au moins trois des cinq critères suivant : obésité, hypertension artérielle, excès dans le sang de glucose, de triglycérides ou de cholestérol.

Selon les études, 40 à 70% des personnes en syndrome métabolique sont atteintes d’une insuffisance de la phase de relaxation du cœur (diastole).

Une insuffisance difficile à identifier par le malade car la quantité de sang éjecté lors de la contraction cardiaque (systole) demeure normale, une douleur ne se révélant qu’au cours d’efforts intenses ou de grande fatigue. L’enjeu est de traiter cette ‘insuffisance diastolique’ pour freiner son évolution et son aggravation en ‘insuffisance systolique’.

Chez des souris femelles rendues obèses par un régime gras et présentant un syndrome métabolique, le Docteur Ouvrard-Pascaud et son équipe identifieront le moment de survenue d’une insuffisance cardiaque diastolique, puis analyseront comment la suppression des ovaires (pour induire un contexte de ménopause) aggrave la maladie.

Ce projet permettra de déterminer si un médicament qui bloque le ‘Récepteur Minéralocorticoïde’ (présent dans le cœur et les artères) à l’aldostérone, une hormone impliquée dans l’insuffisance cardiaque, administré à des souris avec des ovaires fonctionnels ou préalablement à leur suppression, permet de limiter l’aggravation de l’insuffisance cardiaque diastolique dans un contexte de ménopause.


Docteur Ouvrard-PascaudLa parole au Docteur Antoine Ouvrard-Pascaud

Qu’est-ce qui vous a décidé à choisir la recherche fondamentale et en quoi est-ce une passion pour vous ?

La recherche fondamentale est une exploration. Elle est une curiosité qui se nourrit des découvertes de ses aînés et bénéficie des efforts de ses cadets, étudiants et thésards, pour la mise en œuvre des expériences. Elle en appelle à la réflexion et à l’imagination du chercheur pour la formulation d’une hypothèse, testée grâce à l’utilisation ou au développement de technologies avancées, avec une once de créativité et une bonne dose d’obstination, pour voir plus loin. Le plus grand nombre des avancées médicales et thérapeutiques vient d’une réflexion et d’une recherche fondamentale. En biomédecine, la recherche rallie à elle toutes les générations et ouvre les portes d’une collaboration internationale, à dessein d’une meilleure connaissance des pathologies qui nous impactent dans des environnements complexes et variés. En recherche, la curiosité n’est jamais rassasiée, elle n’est jamais un défaut et cela me plaît.

En quoi cette bourse sera-t-elle utile à vos recherches ?

La bourse de la Fondation Recherche Cardio-Vasculaire est indispensable pour financer nos recherches, l’hébergement des animaux, les coûts de développement et d’entretien des technologies d’exploration fonctionnelle du cœur et des vaisseaux, sans oublier l’achat des produits utiles aux analyses histologiques (étude des tissus biologiques) et moléculaires (expression des gènes et des protéines). De plus, cette bourse est très importante pour la motivation et la reconnaissance du travail des étudiantes ou étudiants en master 2 et en thèse que j’encadre, dès lors qu’elle les conforte dans le sentiment d’un effort utile.

Quels sont selon vous les grands combats à mener dans le domaine de la recherche pour le cœur des femmes ?

Pour les études précliniques chez les animaux, rats et souris en priorité, ne pas se satisfaire qu’elles soient réalisées en grande majorité chez des mâles mais entreprendre des études chez des femelles, en sachant proposer des modèles prenant en considération la fonction ovarienne à différents âges de la vie. Concernant les études cliniques chez les humains, qu’elles prennent systématiquement en considération le genre du patient, femme ou homme, comme critère analytique, sans omettre de considérer le statut hormonal des femmes (avant ou après la ménopause) mais encore l’histoire de leur contraception ou de la présence d’un traitement de substitution hormonale. Les journaux d’excellence scientifique dans le domaine cardio-vasculaire devraient promouvoir et appeler à un plus grand nombre de ces études (pourquoi pas la création d’un journal « Women Heart » par la société européenne de cardiologie ?).