Ma vie est à vivre, ici, tout de suite !

Peu avant son décès en novembre 2014 des suites d’une grave insuffisance cardiaque, Danièle Hermann avait entrepris d’écrire une autobiographie où elle retracerait les combats de son existence et où elle évoquerait avec ses mots aussi passionnés qu’envoûtants son amour inconditionnel de la vie. Cet amour de la vie grâce auquel elle avait pu éloigner la maladie, comprendre une souffrance physique parfois intolérable. Danièle Hermann n’était pas une malade, elle était avant tout une femme. Une femme généreuse à la personnalité forte et complexe. Une femme de coeur.

Chaque mois, nous publierons des extraits choisis du manuscrit de Danièle. Afin de rendre hommage à cette amoureuse de la littérature, notamment de Marguerite Duras et d’Ernest Hemingway, qui aurait tant rêvé de voir son texte publié. Son rêve, nous le rendons aujourd’hui possible. Nous vous souhaitons une belle lecture des « Mots de Danièle ».

« Ma vie est à vivre, ici, tout de suite. À l’instant. Et il n’est pas question de la  brader, de la mettre au rabais, il me faut la vivre en grand, en large, en couleur. Dans l’euphorie.

Bouger, courir, mais aussi me ressentir à l’intérieur de ce corps que je suis et où nulle part ailleurs, je ne saurais être.

Être là au mieux que je peux, dans cet espace de temps qui m’appartient et m’appartiendra toujours. Parce que j’ai eu la chance de venir au monde et que je suis là pour l’éternité, épinglée dans le ruban du temps. Tout ce qui me sera accordé d’existence restera à jamais comme une minuscule étendue bien bornée, dans l’étendue des siècles. Ma vie à perpétuité, dans un éternel présent, épinglée quelque part dans le ruban infini du temps qui passe.

Ruban illusoire, et pourtant…

Rien ne pourra m’effacer. Rien. Voilà mon éternité. Parce que je suis venue au monde, un jour.

Parce que j’ai eu cet honneur de naître.

Les images sont là, éparpillées, comme des feuilles tombées du haut de l’arbre. En désordre. Histoire en feuilles éparses.

L’image est là. La première qui lui viendra. Qui remontera jusqu’à elle.

C’est l’image d’une petite fille, six ans pas plus,  joyeuse, malicieuse, concentré d’énergie échappé dans un jardin plein de soleil, une petite fille qui retire ses chaussures, va les jeter dans les buissons et pieds nus, en courant, revient vers le banc où est assise sa grand-mère et les deux amies de sa grand-mère. C’est l’image d’une grand-mère et de ses deux amies qui vont chercher de tous côtés dans le jardin les chaussures de la petite fille, qui elle, les suit en riant gaiement. C’est l’image d’avant la brisure. »