C’est là que je le rencontrais …

Nous poursuivons notre cheminement aux côtés de mots de Danièle. En cette période de Noël propice à la bienveillance, découvrez ce magnifique extrait vibrant de sensualité et de passion où Danièle Hermann évoque sa rencontre avec Jean-Pierre Hermann. Il fut son mari, son confident, son ami et lui permit à bien des occasions d’oublier les souffrances de la maladie. L’histoire d’une passion, d’un amour suspendu à l’éternité. Belle lecture.

 

Madame Hermann et Monsieur Hermann lors d’une réception pour la Fondation.

« Je partis au soleil au bord de la mer. C’est là que je le rencontrais. Quelques mois plus tard, nous étions mariés. Et nous partions pour un long voyage.

Nous mettons le réveil à l’aube. Et dans le crépuscule du matin nous nous levons. On s’habillait en hâte. On partait en voiture dans une clarté blanche diffuse, jusqu’au plus beau pont de Paris. On attendait ce temps où la lumière apparaît juste assez pour nous donner le spectacle du soleil qui succède à la lune. Nous étions là dans une lueur brillante et rosée. Nous étions là à assister au départ du noir de la nuit. On découvrait la clarté dans sa vérité et sa magnificence avec ce lever du soleil que l’on voyait poindre. Rien n’était plus exceptionnel que cet instant-là.

Puis nous partions prendre un petit déjeuner dans un des rares bistrots ouvert à cette heure du matin. Toujours le même. Au comptoir, appuyés, avalant un café crème,  on croisait des noctambules attardés et les premiers matinaux qui faisaient une halte là, avant d’aller travailler. En riant, on reprenait notre voiture. On rentrait se coucher quelques temps encore. Il y avait aussi les vendanges. Également, ces week-end où nous partions dans le désert saharien et où nous dînions assis autour du mystère d’un grand feu, du silence alentour, en écoutant un conteur touareg. Désert où nous dormirons sous des tentes, enroulés selon la tradition dans sept couvertures. Ce dimanche de Pâques où nous étions partis pour la Normandie. Devant les embouteillages, nous changerons d’autoroute. On prit la direction de Strasbourg, puis après divers arrêts et détours, dix jours plus tard, l’on se retrouvera à Vienne en Autriche. Il y avait également les nuits passées dans les monastères. Les soupers dans des palais en ruine. Les voitures blanches qui roulent à toute allure vers le soleil. Toutes les escapades en bateaux d’île en île. Les plages de sable sous les pins les nuits d’été. La croisière sur un chalutier au milieu de pêcheurs, dans le Grand Nord. Les peurs dans les petits avions. L’Écosse en kilt tous les deux. Les pubs, les pensions de famille et les vieux châteaux d’Irlande. Les opéras en plein air dans des endroits insolites et grandioses. Les virées à Séville pour écouter et danser le flamenco. La poupée en chiffon achetée à Londres qui avait la taille d’une petite fille, qui occupa une place d’avion et que personne n’osa déloger. Les fous- rires partout… Tout était prétexte à la légèreté, à la frivolité, au rire.

Tout n’était que prétexte à cela. L’on prenait tout. Il nous apparaissait qu’on avait envie de ne vivre que cela.

Je l’entraîne. Il me suit. Il ne me refuse rien. Il me laisse faire. Je gère nos soirées, nos loisirs et cela lui plaît. Il aime notre vie. Il aime tout ce que je lui propose. Il en rit beaucoup. Mais l’air de rien, il m’observait du coin de l’oeil. Il ne me montrait jamais son inquiétude face à mon coeur à bout de souffle. Mais elle était  bien présente. Presque matérielle, à toucher. Et je le voyais.                 

Il était là, toujours là, attentif, attentionné à m’aider à vivre. À ne pas pouvoir, à ne pas savoir me dire non. Même si, et il ne parvenait pas trop  à le cacher, il en avait  parfois envie.Il savait, nous savions, que je ne l’aurais pas supporté. Je n’aurais jamais supporté la moindre contrainte, le moindre refus à mes curiosités, à mes désirs, à mes folies.

Il m’apprenait ce qu’était l’amour, non des mots. Mais des actes, des comportements, des attitudes, des gestes au quotidien. Un sourire, un regard, une vigilance.L’amour, il l’était de la tête aux pieds. Toujours tourné vers moi, toujours prêt à se lever la nuit, à courir, à aider, à donner. À donner de sa personne, toujours.

L’amour, il me l’a appris en le vivant dans nos jours et dans nos nuits. Sans cesse. Sans jamais un désaccord, une fuite. »

Danièle Hermann, copyright tous droits réservés.